L’histoire du magazine Vogue
Vogue, vous connaissez ? C’est une des plus anciennes revues de mode, dont le succès au fil des décennies ne s’est jamais démenti dans plusieurs dizaines de pays à travers le monde. La stratégie actuelle de la maison mère, Condé Nast, fait craindre une perte de créativité et de respectabilité du titre. Nous avons synthétisé dans cet article plus de 100 ans d’histoire d’un magazine mythique. Embarquez avec nous dans cet océan de glamour, d’histoire, de tendances et de style
Le lancement
Le tout premier numéro de Vogue est publié le 17 décembre 1892, à New York. Ce nouveau journal est destiné à la société féminine et bourgeoise de la ville. Arthur Baldwin Turnure, entrepreneur américain, est à l’origine de sa création. Son ambition ? Que Vogue devienne une source d’inspiration et de divertissement, proposant des informations sur les nouvelles tendances en matière de mode et de beauté, des illustrations, des recettes et des conseils de style de vie.
Dès son lancement, Vogue parait toutes les semaines et se démocratise rapidement. Des pages de publicités apparaissent ainsi que des patrons de couture et des inspirations pour reproduire les looks des grands couturiers à moindre coût.
L’ère Condé Nast
En 1906, à la suite du décès de son fondateur, le titre est géré de manière collective. Il est racheté en 1909 par monsieur Condé Nast, ancien du magazine Collier. Les éditions du même nom sont toujours aujourd’hui propriétaire du titre.
Avec ce changement de gouvernance, une nouvelle stratégie apparait. Vogue agrandit son format, devient bimensuel et gagne une séduisante couverture en couleurs. Le contenu du magazine évolue et se diversifie, intégrant des articles sur la mode et le style de vie des hommes, ainsi que des articles sur l’art, la politique et les actualités.
C’est à cette époque que Vogue devient populaire et se développe. Condé Nast voyage en Europe et imagine son titre s’exporter dans d’autres pays. Quel meilleur endroit que le vieux continent pour se développer, berceau de la haute couture ? Vogue devient ainsi le premier magazine de mode américain à établir des bureaux à l’étranger : en 1916 est lancé la première édition internationale en Angleterre, puis en 1920 l’édition française.
Le magazine, progressivement, se retrouve à la pointe de l’industrie de la mode grâce à ses articles sur les dernières tendances, les créateurs en vue et les courants culturels les plus importants. La publication se démarque par son esthétique novatrice, influençant la manière dont la mode est présentée dans les magazines mais aussi sur les podiums.
Aujourd’hui, Vogue compte près de 27 éditions à travers le monde. La marque évolue en partie sous licence, notamment pour la plupart des nouvelles éditions (Arabia, Philippines, Taïwan…). Parmis ces licences, l’édition Portugaise, gérée par Ligthouse publishing se démarque depuis l’arrivée de Sofia Lucas à sa tête. Bien connue des amoureux du style pour ses choix audacieux, sa direction artistique pointue et ses couvertures sublimes, Vogue Portugal propose un magazine incontournable pour tous les passionnés. Une chance que les images aient un langage universel.
Le cas particulier de Vogue Paris, devenu Vogue France
Paris, c’est évidemment la capitale internationale de la mode, berceau de la Haute couture grâce à des couturiers tels que Christian Dior, Yves Saint Laurent et Gabrielle Chanel. Pas étonnant donc que Vogue Paris soit considéré depuis des décennies comme une référence grâce à cette histoire prestigieuse et son engagement envers la qualité et l’innovation. Le magazine a contribué au rayonnement de la couture parisienne en les soutenant et les mettant en avant à travers leurs articles.
C’est le 15 juin 1920 que Vogue Paris parait pour la première fois. L’équipe française dialogue beaucoup avec la rédaction américaine, et a pour surnom « Frog » (« grenouille »), contraction de « French » et « Vogue ». A l’époque les couvertures de l’édition française et anglaise sont les même, reprenant les couvertures d’éditions précédentes du Vogue US.
Nommé en 1929, le célèbre rédacteur en chef Michel de Brunhoff (qui restera à son poste jusqu’en 1954) apporte à la revue une plus grande autonomie vis-à-vis de sa grande sœur américaine. Il lui donne une couleur spécifiquement française par le biais de nombreuses (et fructueuses) collaborations avec des couturiers parisiens, ainsi qu’avec des photographes, dessinateurs, décorateurs ou artistes qui font partie de ses amis.
Dans les années 1950 et 1960 Vogue Paris devient un magazine internationalement reconnu en partie grâce à son orientation vers la haute couture française et l’introduction de grands photographes tels que Richard Avedon et Irving Penn dans ses pages.
Dans les années 1990 c’est le développement de la mode streetwear et le minimalisme qui sont mis en avant sous l’impulsion de Colombe Pringle et Joan Juliet Buck, successives rédactrices en chef, et des supers models enchainant les couvertures.
Les années 2000 la croissance se poursuit pour Vogue Paris sous la direction de Carine Roitfeld. Le magazine lance plusieurs initiatives numériques en ligne, renforçant sa présence et sa portée.
Coupure de presse, éditorial « Haute Couture 1975-1976 », paru dans Vogue, photographies Helmut Newton. Disponible
Magazine Vogue Paris octobre 1967. Disponible
Rédacteur en chef, l’indispensable ?
Au fil de l’évolution du magazine, un fait d’importance se dégage. On ne peut pas dissocier l’histoire de Vogue à l’histoire de ses rédacteurs en chefs. Ce poste, parfois couplé à celui d’un directeur artistique, impulse une identité unique au magazine. Personnalité du monde de la mode et de la culture, son réseau s’associe à la création du magazine, contribuant à lui donner son caractère. Carine Roitfeld a par exemple marqué l’histoire de la mode avec la tendance porno chic et le créateur Tom Ford. Que l’on aime ou pas, ça été une tendance marquante de la mode et de son esthétique dans les années 2000.
Emmanuelle Alt, dernière rédactrice en chef de Vogue Paris, a soutenu les photographes Inez et Vinhood, a imprimé cette silhouette longiligne en jean boot cut et blazer à boutons dorés, imposé ses mannequins fétiches comme Daria Werbowy, Mika aracnaz ou Rianne Van Rompaey. Lara Stone a été lancé par Carine Roitfeld.
Il se dit qu’Edmonde Charles Roux a été remercié après la première couverture de la « queen » Naomi Campbell, en aout 1988, certains à l’époque étant choqué de la présence d’une femme noire en couverture. Le numéro est collector aujourd’hui, en raison de la carrière incroyable de la dame.
Magazine Vogue Paris, n°688, aout 1988. Disponible
Aux États Unis, on retrouve la rédactrice en chef la plus connue d’entre tous, la papesse de la mode, le « diable » du film, Anna Wintour. Rédactrice en chef de l’édition anglaise pendant deux ans, elle est maintenant à la tête de l’édition américaine depuis 1988. Elle ne détient pourtant pas encore le record de longévité à la tête du magazine. Avant elle Edna Woolman Chase est resté pendant 37 ans à sa tête de 1914 à 1951. On peut également cité Diana Vreeland, connue pour être une muse d’Yves Saint Laurent, à la tête de l’édition américaine de 1963 à 197.
Enfin, on se doit de citer en Italie, Franca Sozzani qui elle aussi a marqué l’histoire du magazine. Grâce à son travail, de 1987 à 2016, Vogue Italia est devenu une référence dans le monde de la mode. Elle a beaucoup collaboré avec le photographe Steven Meisel et à contribuer à l’ère des supermodel en couverture dans les années 90.
Période de crise, le règne de Vogue en balance ?
Depuis sa création en 1892, Vogue a été l’un des principaux moteurs de l’industrie de la mode et un prescripteur de tendance incontournable. L’édition parisienne a travaillé avec de nombreux photographes, stylistes et créateurs talentueux au fil des ans, lui permettant de maintenir sa position de leader dans l’industrie. La publication est également reconnue pour son engagement envers les questions sociales et politiques, notamment la diversité et l’inclusion (mais non sans remous, avec Edmonde Charles Roux, comme on l’a évoqué) ce qui lui vaux un grand respect et une large audience.
En 2020, révolution chez Condé Nast : une nouvelle stratégie globale apparait. Exit le poste de rédacteur en chef pour les éditions historiques italienne et Française. C’est le britannique Edward Enninful qui gère désormais les principales éditions depuis Londres en tant que directeur éditorial européen. Ancien collaborateur de Vogue Italie, il redonne aujourd’hui de la crédibilité au Vogue British en tant que rédacteur en chef, au détriment des éditions Françaises, espagnoles, italiennes… forcément lésées dans l’histoire.
Les séries de mode, souvent au nombre de 4 ou 5 dans chaque numéro, sont désormais majoritairement communes à toutes les éditions. On perd ainsi une partie de l’essence, de l’identité et de la créativité de chaque édition. Moins de proposition artistique c’est toujours dommageable. C’est évidemment une stratégie de réduction de coût qui emporte cette décision, mais on a pu voir sur les réseaux une déception poindre chez les fans du magazine : à quoi bon découvrir les éditions Italiennes ou Espagnoles si c’est pour y retrouver à peu de choses près le même contenu éditorial?
On est parfois réfractaire au changement, mais avec l’envie d’y croire et l’espoir que cela soit mieux. Force est de constater que pour le moment, après quelques mois de publication, on ressent clairement un changement de positionnement stratégique dans l’intention de capter des lecteurs plus jeunes et plus populaires, « mainstream ». Cela ne poserai pas de problèmes si la qualité créative des couvertures et des séries de mode ne souffrait pas autant d’un manque de moyen et de qualité artistique. Cela reste notre avis, subjectif. Disons que tout fonctionne par cycle et l’actuel n’est pas le plus intéressant, mais la roue tourne et nous sommes certains que les meilleures années de Vogue restent à venir.
Une fenêtre d’opportunité s’ouvre pour la concurrence : Harper’s Bazaar, le plus ancien magazine de mode toujours commercialisé à ce jour, se relance en France, après un premier essai non transformé dans les années 1980.
Magazine Harper’s Bazaar France, n°38, mars 1989. Vendu
Magazine Harper’s Bazaar France, n°1, mars 2023. Disponible
Avec un projet de réédition dans les cartons depuis près de 10 ans maintenant, l’éditeur Hearst s’est enfin décidé à concrétiser le projet et le nouveau numéro 1 est sorti en mars 2023. A la tête de cette nouvelle édition ? Olivier Lalanne, ancien de… Vogue. Face à la perte d’identité et de créativité prédite avec Vogue Paris devenu Vogue France, l’occasion de prendre une nouvelle place de leader créatif et prescripteur de tendance sur la place de Paris est trop belle.
Et pour la semaine du 25 mars 2023, comme un pied de nez, Elle France met en couverture… Carine Roitfeld, pendant que Rianne Van Rompaey fait la couverture du Harper’s Bazaar numéro 2 d’avril 2023. En couverture de Vogue France ce mois d’avril? la star internationale de la chanson, Beyoncé. Nous avons apprécié la synchronicité…
Cet article est le premier d’une longue série sur l’histoire de la mode, ses acteurs, ses tendances, … on se retrouve bientôt ici, en attendant on se retrouve tous les jours sur instagram.
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